2911 - "Les anges" - GBalland 16
Hier, je suis arrivée à ce constat terrible : je suis incapable de me rendre heureuse. J’étais atterrée. Comment avais-je pu en arriver là ? Depuis ma naissance, j’ai toujours accusé les autres : si je n’étais pas née, si je n’avais pas été élevée par mes parents, si j’avais eu des frères et sœurs, si je n’avais pas rencontré X, et Y, et puis Z… la vie est toujours plus simple quand on s’oublie.
Quand j’ai regardé le banc des accusés – celui où j’ai placé, de ma naissance jusqu’à aujourd’hui, tous les acteurs de mon malheur - j’ai remarqué que quelque chose ne tournait pas rond : il n’y avait plus une seule place de libre. Pourtant, dieu sait que ce banc est long.
Tous les accusés semblaient m’attendre patiemment, l’air contrit, sans doute surpris que je les convoque au tribunal alors qu’ils pensaient m’avoir montré qu’ils m’aimaient. En les voyant alignés en rang d’oignon, l’œil triste, avec leur tête d’honnête citoyen, le doute s’est glissé en moi : après tout n’étais-je pas aussi responsable, n’étais-je pas même la seule responsable ?
Et la colère, ma tendre compagne, m’a soudain désertée. J’ai bien essayé de la retenir - la peur de rester seule et nue - mais elle ne m’a pas écoutée et elle a passé son chemin sans même me jeter un regard. A ce moment-là, je me suis évanouie. C’était hier…
Ce matin, j’ai décidé de leur téléphoner et maintenant, j’attends que les anges viennent me chercher. Quand ils arriveront, je leur dirai que je suis coupable ; coupable de non-assistance à personne en danger. Je suis sûre qu’ils me croiront…
Texte de GBalland. Retrouvez-nous sur